Pière la Chabreta, violoneux du Cézallier

En 2019, sur les conseils avisés d’Olivier Durif, je récupère chez un antiquaire de Brioude prêt à fermer boutique cette magnifique photo de ce violoneux mythique, originaire de La Pénide d’Espalem, en Haute-Loire, et dont on sait qu’il a déménagé à Bonnac, dans le Cantal tout proche. On ne sait pas qui a écrit le petit poème sur la photo, on ne sait pas non plus la date de cette photo (certainement début du vingtième siècle, vers 1920). Cet été 2022, au grand bal de l’Europe, alors que je présente à un client sur le stand de Phonolithe le livre …

Mon cher Eugène

Mon cher Eugène, il eut mieux fallu ne pas le faire ou que tu te sois cassé une jambe au lieu d’avoir fait un choix pareil. Justement, je n’avais pas le choix. Bien sûr que si puisque tu le savais. Tu as pris le risque donc cesses de pleurnicher sur mon épaule. Eugène Leconte n’avait de pensées que pour son Eulalie, et Dieu sait si ces pensées étaient présentes et même encombrantes tellement il était envahi par elles. Le seul problème, en dehors de l’accord de la charmante demoiselle convoitée était qu’un autre prétendant du village voisin, un nommé Marius …

Méfions-nous des apparences

  Mon pauvre vieux avec ta jambe de bois Rien ne présume que ce soit toi A moins que le soleil ait glissé dans un recoin du ciel Pour t’épargner cette peine de ne point en être le père.   L’enfant dira plus tard : – Pourquoi ce capitaine avait une moustache et moi, pas la moindre trace ? Lui, des bottes noires, et moi immaculées Alors que tous les deux, nous portions des lacets.           Dieu est encore trop petit pour peser sur le monde André Ricros

Il est trop tard

C’est l’histoire d’une femme qui, tous les dimanches, allait à l’église pour voir celui qu’elle ne pourrait jamais posséder, le fils des fils, l’homme intouchable, la beauté dont elle rêvait. Il était là, dans l’ombre du déambulatoire, cloué sur une croix de chêne avec cette expression tragique et ineffaçable qui la bouleversait. Elle avait pensé venir de nuit avec son escabeau pour le décrocher. L’emporter chez elle. Lui retirer la croix, et après lui avoir cassé les bras pour les positionner le long de son corps, l’allonger dans son lit pour toujours. Pour toujours, l’avoir pour elle seule. Pour toujours, …

Jeannette Remise

L’Aubrac était là, intact avec sa pluie de rochers disposés sur l’herbe par une main d’artiste dont certains furent mis en mur et d’autres en d’insolites amoncellement où l’œil des Hommes a dû s’y arrêter pour d’étranges prières. L’Aubrac est toujours là dans ma mémoire, mémoire de celui qui a eu la chance de la rencontrer comme on rencontre un être exceptionnel, petite femme où l’humanité avait posé son essence et qui donnait en échange cette paix inestimable que l’on cherche tous pour être en harmonie avec soi-même. Elle incarnait par sa présence la joie et le plaisir de vivre, …

Deux frères

Ce sont deux frères de leur pays sont Ce sont deux frères. Le haut de leurs calebasses est protégé de casquette et de béret. Leurs cols sont serrés de cravate et de veste attachée. Leurs poches pleines de mains cachées. Leurs visages traversés d’un sourire non forcé. Le bas de leurs corps planté large sur des bustes étriqués. Leurs braguettes quasi fermées sur des oiseaux déchlorophyllisés. Ce sont deux frères dans leur pays resteront. Ce sont deux frères. Dieu est encore trop petit pour peser sur le monde. André Ricros

Je laboure…

Je laboure une terre d’outre connaissance où lui gratter le dos est un moyen efficace d’être au monde dans la lancinance de ces gestes de labour, s’appuyant les uns contre les autres pour que la terre change de couleur et donne à celui qui marche derrière la charrue une notion presque exacte de la puissance et de l’humilité que peuvent et doivent avoir les hommes sur leur environnement. Je laboure face à cette butte étrange de forme où les vieux, les bien plus vieux disaient qu’il y fut érigé château et tombes alors que quelques arbres irrévérencieux ont, malgré le côté …

Un homme à la mer

Le 4 septembre 1938, Albert quitte Aurillac avec sa jeune épouse pour aller voir la mer. Ils ne furent pas installés qu’Albert voulu à tout prix en cette journée encore estivale plonger son corps tout entier dans cette eau tiède et calme de la Méditerranée. Ne sachant pas nager, il ne s’éloigna pas du bord, mais voulant à tout prix que sa femme fixe ce moment inoubliable que représentait la rencontre d’un Auvergnat avec une masse d’eau s’étendant jusqu’à l’horizon, il partit aux limites de perdre pied. Jusque-là, tout se passait bien, comme l’atteste le premier cliché. Sur la pointe …

Qui a fait la photo ?

De prime abord, à la vue de cette image, l’on peut imaginer que l’homme au chapeau venu voir ses parents à Mozac en cette année inoubliable de 1953 demande à son amie, ou peut-être à sa femme, de fixer cet instant où il peut montrer à quel point il est fier de lui. D’ailleurs, à ce propos, les léopards ne pondant pas des limaces, le père a semble-t-il gardé cette magnifique opinion de lui-même, signe sans nul doute atavique, de cette famille. La mère, quant à elle, arbore une autre attitude, où ses mains et son visage renforcent une humilité …

Barbat ou Buissière ?

Ecrire équivaut à revenir sur les lieux d’un crime. Mais, quel crime ? Par contre, j’aimerais savoir qui ai-je pu tuer pour ressentir une telle culpabilité. Ne pouvant pas élucider cette énigme, le simple fait d’être persuadé de mon implication et de ma responsabilité devrait suffire à m’en convaincre.  Pourtant là, n’était pas le sujet. Il s’agit en fait, au fort de l’été 1943, de suivre mais surtout d’identifier six jeunes gens répondants aux noms de Rigaud, d’Hérault, de Barbat, de Chevalier, de Bussière et pour une seconde fois de Barbat, qui, après avoir posé sur les marches d’un perron au …