Le Roussel de l’Allier – Episode 3

III Le Roussel de l’Allier n’a pas fini de nous étonner. Si vous vous souvenez de l’ensemble de ses trouvailles, vous allez voir qu’il ne cessait de vouloir améliorer son confort de pêcheur pour s’enorgueillir du résultat et mesurer le plaisir que cela lui procurait. Il avait su fabriquer des appâts artificiels qui représentaient les principales mouches de l’Allier, lui permettant ainsi de remplir son panier. Il avait su trouver la solution pour porter ses mouches à des distances plus grandes que le bout de sa canne, mais il avait également constaté que son bambou n’était pas vraiment adapté aux …

Le Roussel de l’Allier – Episode 2

Le Roussel de l’Allier, après avoir conçu le principe de la pêche à la mouche artificielle placée au bout d’une canne ordinaire telle celles utilisées pour pêcher au vers avec bouchon dérivant au fil du courant, avait en lui une rage naissante qu’il n’arrivait plus à réfréner lorsqu’il observait les truites s’activer à des distances que sa canne ne pourrait jamais atteindre. Cet état d’impuissance le découragea à tel point que la pêche ne devint durant de longues journées que prétexte à des flâneries de bord de rivière, où il exposait sa réputation auprès du genre féminin qui comme le …

Le Roussel de l’Allier – Episode 1

Les habitudes sont coriaces, non parce qu’elles sont nécessaires mais parce qu’elles font appel à un vieux fond d’éducation où l’innovation pourrait apparaître comme insultante auprès de ceux, plus anciens, qui ont élaboré et transmis une méthode efficace. Concernant le domaine de la pêche, il est évident que de tendre des filets au beau milieu de la rivière, dès l’instant que cela est permis, avait une indéniable efficacité mais cela ne réglait en rien ce que notre bonhomme, dit « Le Roussel de l’Allier », avait conçu comme pouvant s’identifier au plaisir de la pêche. – Tant qu’ils y sont, ils n’ont …

‘Magine

« – ‘magine, un mètre de neige dons la journée. Il y a longtemps qu’on n’a pas vu pareille descente d’édredon. – Pour monter veiller chez Mimi ce soir, faudra prendre la perceuse! – Oui, avec Léon, on n’aura pas de problème, il passera devant et on n’aura qu’à suivre en file indienne pour ne pas se mouiller. – Bon, je file avant de devenir glaçon … À ce soir. » La neige continuait de plumer ses oies et tout se préparait à la nuit, une nuit sans fin sous cette épaisseur de plume où la terre relâchait ses formes …

La pièce

La vigne lui donnait l’illusion d’être fixée à une tâche infinie qui de rangée en rangée l’emprisonnait et la conduisait au fond de ses ressources. Seule la nuit mettait un terme à cette folle perspective et reconduisait ses pas vers la seule lumière qui puisse lui redonner un peu d’espoir : sa maison. Là, telle un homme que tous ses gestes incarnaient, elle posait une carapace de terre qu’elle semblait accrocher à des clous plantés dans le revers de la porte et elle apparaissait de toute évidence dans son élégance dès qu’elle faisait un pas en direction de la lampe qui …

Urgence

Ce matin je suis parti, attiré davantage par la rivière que par la pêche elle-même. M’asseoir au bord de l’eau m’était devenu nécessaire, presque urgent, et il me fallait tout mettre en œuvre pour y aller le plus vite possible. Sur place, le temps de s’équiper crée toujours en moi une effervescence où tout me paraît trop long, générant une impatience démesurée et paradoxale puisque je suis exactement parvenu sur le lieu que j’avais prévu d’atteindre. En fait l’important est tout autre et bien plus simple : c’est d’être devant le cours de l’eau, prêt à abandonner le plaisir de …

Finette

Après avoir passé le temps du repas sous la table, je bougeais comme chaque jour dès que la main de mon maître m’apparaissait, tenant au bout de ses doigts la croûte de fromage qu’il m’offrait le soir en récompense de la journée passée à le suivre d’un bout à l’autre de la ferme. J’attendais ce moment avec impatience. Je lui prenais le bout de cantal de la pointe des dents sans le toucher et j’allais m’allonger, la tête posée sur mes deux pattes de devant au plus près de la cheminée. Là, couchée, je fermais les yeux, faisant semblant de …

Toutoune

Tous les soirs et tous les matins avant de partir à son travail et avant de se coucher, il libérait dans sa cuisine un espace de circulation « bourrétique » pour y tracer ses dernières trouvailles chorégraphiques. Des créations sans fin assujetties à un seul genre : la bourrée à trois temps. Après quarante ans d’exercices solitaires en préparation des bals à venir qui disparaissaient des pratiques sociales de ses congénères aussi vite que ses canines et ses prémolaires, il en vint à envisager une alternative à son isolement. « Toutoune », berger allemand féminin, qui assistait en paix à …

Le jardinier

Dire qu’il aimait son jardin, c’est minimiser sa passion. Dire qu’il était un jardinier fou, c’est marcher sur ses plantations. La seule chose que je pourrais vous dire, c’est d’aller le voir dans son potager. – Reste où tu es, ne bouge pas sinon tu vas envoyer des vibrations et retarder le départ de mon régiment de petits pois qui va se mettre en route, car l’arrosage que j’ai fait il y a un quart d’heure doit les avoir réveillés. Tu entends ? – Non, je n’entends rien. Il se coucha en plaçant son oreille contre la terre fraîchement travaillée. – …

Le bûcheron

I. Tatati et tatata La porte franchie, la pièce unique était à l’image de ce qu’il était : – d’une part un homme sédentaire avec table, chaise, lit, cuisinière et placard ; – et d’autre part un bûcheron avec bidons d’huile, d’essence et de graisse, outils en tous genres et plusieurs tronçonneuses associées à son mobilier, dans leur entier ou en pièces détachées. De toute évidence il aimait son travail, car il prenait ses repas en sa présence, la table étant un établi, et il dormait avec cette étrange compagne, car une de ces inquiétantes machines était allongée sur les couvertures. – …