L’enfant à la bouteille

Je suis dans un univers de femmes où les hommes présents sont piètres, l’un derrière ce front féminin, inconsistant ou l’autre avachi sur une chaise longue, trop sûr de lui pour avoir quelque tenue qui ne soit, si ce n’est flasque, ramolo et quasi décati : une misère d’homme.
Moi, avec ma bouteille, je fais comme si de rien n’était, comme si je n’avais rien vu, rien compris de cette situation banale et ordinaire de mon existence où les femmes menaient tout. Et quand je dis tout, c’était tout.
A ce propos, elles seules sont bien là, présentes, droites, affirmées, sûres d’elles.
De plus, elles ont engendré une flopée de remplaçantes qui, toutes plus vielles que  moi, reproduiront ce même modèle matriarcal dans lequel elles furent tenues en élevage.
Ma vie d’enfant fut un délice et un enfer. Si j’osais, je vous laisserais deviner pourquoi. Un instant, j’ai cru ne pas pouvoir résister à vous raconter les raisons de cette dualité de souvenirs, mais en fin de compte, après réflexion, je choisis de résister et de vous laisser libre de dégainer vos imaginations jusqu’au fin fond de vos pensées les plus solitaires.
Non, j’exagère, mais allez-y quand même.
Moi, je reste là, figé dans mes débuts d’apprentissage où, toute ma vie, je continuerai de me battre avec la bouteille.
Le sport, comme indiqué sur la photographie, animait les discussions de ces femmes devant regretter de ne pas avoir été des hommes, car elles adoraient toutes les activités viriles et épuisantes, du rugby au cyclisme, qu’elles commentaient à partir du seul journal qui avait droit de cité : le « miroir des sports ». Cette tradition s’est d’ailleurs perpétuée et, à ce propos, sachez que la plus petite, située en face de moi, fera une brillante carrière dans les sports de combat, puisqu’elle sera à plusieurs reprises championne de France et d’Europe en lutte gréco-romaine.
Ces mères brunes, car seules les brunes eurent descendance, mirent à plusieurs reprises au monde des enfants blonds ou châtain clair, alors que les mâles de la maison étaient également bruns, très bruns. Ma mère disait à ce propos que c’était la seule chose qu’ils avaient de bon.
Elles durent donc se servir au passage d’un facteur venu du très grand nord ou inventer je ne sais quel stratagème pour réussir un tel exploit, donc, je ne suis pas mécontent puisque je fais partie du résultat de cette gymnastique.
Je suis bien là dans un univers de femmes et le suis resté pour ne pas devoir reconquérir un temps irrécupérable.

André RICROS

2 Comments

  1. Michel

    C’est vrai qu’elles sont belles, ces femmes !!!!

    Avez-vous vu ce film amateur tourné par un pionnier de la caméra 9.5…?
    Un pharmacien de Pierrefort, dans le Cantal.

    Les portraits de femmes y sont vraiment remarquables !!!

    1. Dubreuil

      Le film auquel vous faite allusion a donné lieu à un spectacle par la Compagnie l’Auvergne Imaginée intitulé « L’oeil du Pharmacien », sur scène des musiciens, en direct, dont André Ricros & Alain Gibert…

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