Pendant le confinement, les appels à construire le monde d’après dans le secteur musical et événementiel se sont multipliés, entre la tribune Technopol pour “faire de la culture, du clubbing ou de la fête une activité plus responsable” ou encore l’Appel des indépendants lancé par Arty Farty, association organisatrice de Nuits sonores à Lyon. Ces dynamiques témoignent d’une volonté de la part des festivals d’intégrer des modes de fonctionnement durables. Quelles solutions s’offrent à eux ? Petit tour de table.
“Nous pouvons vaincre le virus par la solidarité”, a dit Dr Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe en mars 2020. Il n’avait pas tort. Cette solidarité s’est manifestée par une coopération inédite entre les acteurs face à la fragilité des secteurs culturel et événementiel. Béatrice Desgranges, directrice de Marsatac, nous a fait part de ce constat : “Je trouve qu’on ne s’est jamais autant parlé entre acteurs du secteur. De cette solidarité-là, il restera des traces. On a beaucoup partagé nos réflexions et préoccupations pour ne pas ressentir d’isolement. Cette communication nous a permis de tenir le coup.” Ce soutien mutuel s’est retranscrit notamment dans l’Appel des indépendants signé par plus de 1 200 structures culturelles indépendantes réparties sur au moins 130 villes en vue d’organiser des états généraux. L’objectif ? Pour Julien de Lauzun, directeur de production des Nuits sonores, il est clair : “S’inviter autour de la table quand les politiques culturelles vont être revues, et on espère qu’elles le seront. On veut avoir plus de poids en tant qu’indépendants car nous sommes isolés. L’idée c’est d’essayer de peser dans les décisions politiques.”
Cette période particulière a également créé un élan de solidarité entre les événements, leurs partenaires et leurs publics. En effet, Julien de Lauzun nous a expliqué que l’équipe était entendue et soutenue par leurs financeurs : “Les partenaires et mécènes historiques sont toujours à nos côtés et jouent le jeu, c’est un plaisir d’avoir ce soutien.” Par ailleurs, des systèmes de don ont été mis en place par certains organisateurs de festivals afin de limiter la casse. Beaucoup ont proposé aux festivaliers de conserver leurs billets pour l’année d’après tels que les Déferlantes ou encore le Hellfest. Nuits sonores a également adopté ce système, et cela fonctionne. Selon Julien de Lauzun, “les festivaliers sont très compréhensifs et même si la majorité demande des remboursements, on a tout de même une augmentation des demandes d’avoirs”. À Saint-Nazaire, le festival des Escales a proposé une transformation partielle ou totale d’un billet en un don à Emmaüs. L’association Orane qui organise Marsatac a également participé à des actions de solidarité sur le territoire marseillais : “Les tote bags du festival qui dormaient dans notre stock de merchandising ont été donnés pour la distribution de repas. On a mis à disposition des supports vidéo pour la chaîne interne de l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille) afin que les hôpitaux puissent profiter de programmes de divertissements et de concerts programmés à Marsatac.”
Cet appel à la solidarité par les festivals témoigne par ailleurs d’un besoin de soutien financier pour toutes les personnes employées directement ou indirectement par les événements. France Festivals estime que sur l’échantillon choisi de 129 festivals pour analyser les pertes économiques et sociales liées au Covid-19, près de 54 679 personnes voient leur activité menacée par l’annulation des événements. Certains tentent de rebondir en optant pour une alternative numérique.
Le confinement a favorisé le boom du live stream musical. Les festivals se sont ainsi emparés de cet outil pour inventer une nouvelle expérience avec leurs publics. Le Printemps de Bourges a par exemple créé “Un Printemps imaginaire” en appelant tous.tes les artistes à “partager de nouvelles créations spécialement conçues pour un Printemps imaginaire.” Cela s’est traduit par de multiples performances et créations inédites des artistes comme Yael Naim, Les Louanges ou encore N’to. Ce dernier a comptabilisé plus de 278 000 vues sur son live et a collecté 275 euros de dons pour le Secours populaire français. Toutefois, le modèle économique du live stream reste encore à inventer et à pérenniser pour devenir une source de revenus durable pour les artistes. La Sacem a d’ailleurs indiqué vouloir rémunérer les prestations en live stream sous la forme de droits d’auteur en fonction de la durée de la performance et du nombre de vues. Selon Philippe Astor, plusieurs solutions pourraient permettre au live stream de perdurer. Il explique qu’un “plan de résilience coopératif pour l’industrie musicale” est nécessaire, et cela passe par l’indépendance des artistes vis-à-vis des plateformes numériques. Le journaliste imagine une coopération de la gestion des droits du contenu live grâce aux technologies blockchain permettant “la mise en œuvre d’une gestion automatisée des droits de propriété intellectuelle du live streaming”. S’il évoque cette solution comme une forme de…
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Publié le mercredi 17 juin 2020