Après avoir suivi la piste d’un des plus grands collecteurs du 20ème siècle, précurseur des recherches que nous avons mis en route dès les années 1970, je parviens à grand peine à atteindre le domaine de la famille Dumas. Là, je suis accueilli par un fort accent british venu du fin fond du Pays de Galles.
Ma démarche consistait à rencontrer Jean Dumas car il avait réalisé un travail colossal pour lequel il avait eu le génie de placer un des premiers magnétophones à bande devant ses interlocuteurs. Malheureusement, il n’était plus de ce monde.
Sa femme me permit de mesurer l’ampleur de l’œuvre de son mari et me dit que l’un de ses fils, l’ainé, Paul, venait de créer un studio d’enregistrement à Clermont-Ferrand, rue Blatin, exactement au 69 de la rue.
C’est ainsi que notre collaboration a démarré et de 1986 à 2014 nous n’avons pas cessé de réaliser dans le sous-sol de cet immeuble familial l’ensemble des productions de l’AMTA, de la Cie l’Auvergne Imaginée, sans oublier les nombreux disques de Steve Waring.
Nous avons fonctionné en ami, adaptant les projets et les finances aux possibilités que nous avions. En fait, 28 ans de négociations où de nombreux professionnels des champs de foire auraient pu améliorer leur savoir-faire.
En homme d’affaires aguerri il a su développer son entreprise pour la propulser sur le devant de la scène auvergnate et faire de sa société une référence dans le domaine.
Nous avons marché côte à côte avec des liens bien plus forts que le seul intérêt commercial.
Nous avons cheminé durant plus d’une génération main dans la main avec un esprit d’entraide et de soutien mutuel.
Nous avons couru sur les pistes de nos destinées dans une ambiance de famille jamais démentie qui, aujourd’hui rend l’avenir incompréhensible… Un vide, un manque, l’absence d’une présence, d’une voix, d’une main toujours disponible.
C’est ainsi que l’histoire nous rend orphelin, car le train du destin est passé, nous laissant désemparé sur le quai de la gare, où la vie doit continuer sa course folle.
Soudainement, nous sommes comme hors du temps, qui déroule son affect, son infernal avancée vers l’inconnu. Nous sommes là, sachant tout de l’aboutissement de nos avenirs, mais toujours hébété face à la réalité de la disparition de ceux, proches, qui étaient semble-t-il depuis toujours à nos côtés, dans notre environnement, dans l’intimité de nos vies, accolé à nos fragilités, appuyés contre nos existences pour être sûr de ne pas tomber face à la première embuche, ou par inadvertance.
Nous, nous supportons que le noir du sommeil, que cette absence à la réalité de notre présence sur terre. Pour le reste, nous qui t’avons connu, apprécié et aimé, ce n’est qu’injustice, qu’une erreur d’aiguillage.
Rappelons-nous que nous sommes vulnérables, fragiles et pourtant tellement attachés à rester debout dans la présence de cette étonnante humanité.
Mon cher Paul que ta mémoire jamais ne s’efface.
Que nos poids sur la terre laissent encore longtemps des traces profondes, dues aux masses que nous avons sus transporter malgré l’essoufflement qu’elles nous occasionnaient.
Vieux frère, mon ami, bon voyage dans nos souvenirs qui te garderont au chaud dans un coin privilégié et chaleureux de nos pauvres cabourlots.
Le 13 novembre 2019
André Ricros
Je suis très touché par l’hommage à Mr DUMAS rendu par André RICROS. Je trouve dommage que ce texte n’est pas été lu lors de la cérémonie. J’ai aussi attendu à Crouel une musique trad, une seul au moins, mais en vain. Un parcours ne serrait ce que succinct de sa vie professionnelle m’a manqué aussi, lui qui a rencontré et enregistré tant de musiciens trad. Il me semble n’avoir pas entendu une seul fois le mot « musique » lors des interventions. Tout cela est surprenant. Tant pis. Seuls les écrits restent dit on, mais aussi dans ce cas précis, les enregistrements, resteront et témoigneront, eux, de cet homme. Adieu Mr DUMAS.
LADENT éric