Tes joues gonflées, tes yeux plissés…
Ta douce peau si jeune, jusqu’à tes petites phalanges potelées…
Maman t’avait elle-même confectionné le vêtement qui t’enveloppait le haut du corps, laissant tes genoux afficher leur courbe parfaite, tes genoux immaculés de toute plaie jusqu’alors. Nous n’avions pas peur que tu tombes et je pense que nous n’avions pas à nous en inquiéter. Ce cheval de bois semblait te prémunir de toute chute, à vrai dire il était tout à fait banal, malgré qu’il eut chez toi un impact hors du commun.
Pourquoi cet animal en bois te sembla si miraculeux ? Certes l’instant où nous te l’avons offert nous a comblé, évidemment que ta joie intense et sautillante, que tes cris de bonheur nous arrivaient comme des pépiements d’oiseaux… Mais nous ne pensions pas que ce jouet et toi deviendrez à ce point inséparables. Nous étions loin d’imaginer que ce cheval partirait, une fois que nous ayons eut le dos tourné, vers des terres inconnues du monde sensible.
Aurions-nous vraiment du inviter ces amis, ce jour là, et passer l’après-midi avec eux dans le jardin, à papoter de rien du tout, en ne lançant que quelques discrètes bienveillances à ton égard… Nous zyeutions sans trop de vigilance ton usuel jeu de balancement jusqu’à la transe…
Tu dansais comme une reine sur ce cheval, ou on aurait plutôt dit une prière que tu faisais, probablement pour t’échapper, pour fuir ce monde inadapté à ton imaginaire. Tu l’avais si fort, cet imaginaire, qu’au comble de ta prière tu t’envolas au loin dans les cieux incertains, le museau de ton invraisemblable destrier filant entre les nuages…
Plus jamais on ne te revit sur terre. La seule image que l’on garda de toi fut celle là, celle de ton visage heureux à en mourir de t’envoler loin au dessus de nos têtes… avec le sourire des petites filles dont on ne soupçonne pas la malice.
Wilton.