Cette bourrée est joué par un accordéoniste du pays de Mauriac, qui est resté anonyme, et qui a été enregistré le 1er avril 1990 par Jean-Claude Rocher et José Dubreuil.
La polysémie du mot « bourrée » prend tout son sens ici. Ce mot désigne à la fois la danse emblématique et multiforme du Massif central, mais aussi un morceau de musique, un élément de répertoire sur lequel s’effectue cette danse. Ce mot désigne également de façon métonymique le rythme bien reconnaissable commun à ces mélodies et à cette danse. Ici, le musicien joue « une bourrée » (rythme), permettant de danser « la bourrée » (danse), et composée de plusieurs « bourrées » (mélodies, morceaux de musique).
Le musicien enchaîne quatre parties mélodiques. Chacune d’entre elles fait référence ou est issue d’un air de bourrée répandu. D’une façon générale, un air à danser – et en l’occurrence une bourrée – est composé de deux parties mélodiques, se répondant l’une l’autre. Par exemple, la partie A se termine sur une note suspensive donnant l’impression que le morceau va continuer, la partie B sur une note conclusive donnant l’impression de fin. Parfois les deux parties sont conclusives et se distinguent par des motifs différents. L’agencement des motifs mélodiques dans une partie donne à celle-ci son caractère de sorte qu’à l’usage, certaines parties sont souvent utilisées uniquement comme des premières parties et rarement comme des deuxièmes.
Ainsi, nos quatres parties s’articulent entre elles de façon spécifique :
- la partie A sonne comme la première partie de B, et la seconde partie de D
- la partie B sonne comme la deuxième partie de A, et la première de C
- la partie C sonne comme la deuxième partie de B, et la deuxième partie de D (la bourrée DC commençant donc sur la deuxième partie)
- la partie D sonne comme la première partie de A
Donc, dans cette bourrée-là, plusieurs bourrées se mélangent suivant la combinaison des parties mélodiques :
- la bourrée composée des parties A et B
- puis la bourrée composée des parties B et C
- et ainsi de suite : la bourrée DC
- et enfin : la bourrée DA
On pourrait également écouter tout cela sous un angle différent et considérer que ce morceau est fait d’un mélange de deux bourrées avec une partie commune :
- la bourrée ABC à trois parties
- la bourrée DA à deux parties, avec le A commun
Ces combinaisons mélodiques internes assurent une cohérence parfaite au morceau et révèlent une attitude fondamentale concernant la façon de penser et de jouer la musique. Quelque soit l’écoute que l’on peut avoir des différentes relations des parties entre elles, celles-ci sont en quelque sorte des blocs interchangeables et modulables, de façon à les adapter à ses propres choix artistiques et esthétiques.
Jouer une bourrée, ce n’est pas nécessairement pratiquer un morceau déjà tout fait, venant de quelqu’un d’autre que soi, et qu’on tenterait tant bien que mal d’en atteindre le sosie. Il s’agit avant tout d’adapter ce que l’on connaît, de le mélanger, de le réinventer sans cesse. Il est vrai que le jeu en groupe est contraignant par rapport au jeu soliste dans le sens où il convient de se mettre d’accord sur une version commune.
Cela n’empêche pas d’éclater les modèles, d’inventer et de modeler, à partir des bouts de nos bourrées d’hier, celles d’aujourd’hui et de demain!
Eric Desgrugillers
Merci pour ces morceaux si beaux décryptés avec une belle intelligence, malheureusement beaucoup de fichiers sont illisibles!! Quel dommage…
Bonjour,
merci beaucoup de votre soutien!
Nous avons vérifié de notre côté, tout est lisible (partitions et fichiers mp3). Il est donc probable que cela concerne les mises à jour de votre ordinateur (flash player, java, etc…) et que certains fichiers ne soient par conséquents pas lisibles. Par ailleurs, vous pouvez retrouver ces morceaux, parfois accompagnés de partition sur notre base de données en ligne d’archives sonores dont voici le lien : http://patrimoine-oral.org/dyn/portal/index.seam?page=home&fonds=3
En vous souhaitant une bonne consultation,
Cordialement,
Eric Desgrugillers
suite à mon premier commentaire (j’espère que tu l’as reçu, j’ai dû faire une fausse manip !)
Le disque de Rispal est édité sous le label SCORE N° 14042 ( vers les années 1960 !)avec la bourrée « Tet te rette » et avait été repris plus tard en K7
Cordialement
Salut Eric
Tu pourrais pour les néophytes mentionner les titres connus des bourrées qui composent cet ensemble :
– les 2 premiers thèmes sont bien sûr « Ten te retté »
– le 3è est celui que rajoutaient RISPAL et BARRIER aux 2 premiers; le musicien de Mauriac a dû s’en inspirer car RISPAL était archi-connu dans le Cantal
– le 4è est la 1ère partie du « Ribotel » avec quelques notes en plus comme ornementation
L’autre mail te donne la référence du disque de RISPAL sur lequel on trouve « Tet te rette » (avec cette orthographe)
Cordialement
Bonjour Jean-Claude,
Merci pour ces précisions utiles qui répondent certainement à des questions que des utilisateurs se sont déjà posées. Je n’ai pas signalé ces titres car l’ensemble est très cohérent. Mais il est évident que des bourrées aussi connues donnent lieu à toutes sortes de variations et assemblages! Je souhaitais surtout relever ce point. Je suis cependant d’accord avec toi, je ferai l’effort de signaler les titres usuels lors du prochain assemblage de bourrées qui se présentent!
musicalement!