Cette photo de conscrits de Brassac-les-Mines du 3 juillet 1924 porte en elle deux faits ayant un caractère exceptionnel. Le premier est que rares sont les femmes figurant sur un document iconographique qui fixe les jeunes gens rassemblés autour de cet événement et deusio il est également rare d’avoir un groupe de conscrits accompagnés par autant de musiciens : ici huit.
Cet orchestre est composé d’un ensemble d’instruments à vent dont deux clarinettes, un piston, un trombone à piston et une basse à vent auquel se sont associés un violon et un duo rythmique fait d’un tambour et d’une grosse caisse surmontée d’une cymbale.
Les pays miniers, comme c’est le cas ici, étaient le théâtre de métissages musicaux liés aux différentes cultures qui occupaient le territoire afin de répondre aux besoins de main- d’œuvre nécessaire à l’extraction du charbon. Ce sont donc croisés avec les populations locales, des polonais, des italiens, des gens du Nord et d’autres de multiples origines qui constituèrent, et ce malgré eux, une nouvelle identité locale dont fait état cette photographie.
L’activité minière était également productrice d’un autre sentiment, au-delà de celui d’appartenance à ce milieu particulier implanté en plein monde agricole, le sentiment de solidarité qui peut expliquer la présence d’un si grand nombre de musiciens associés à cet événement.
Quant à la présence des filles, rares sont les photographies en notre possession sur toute l’Auvergne où elles apparaissent en aussi grand nombre. A cet égard, la modernité des points de vue et le ciment social d’une telle communauté peut expliquer ce que traduit cette image malheureusement silencieuse.
Les conscrits, au nombre de douze, sont accompagnés par onze camarades de leurs amies, de leurs relations ou de leurs amours.
Si face à ce document, je parle de conscrits, c’est que tous ceux de cette classe (classe 1904) sont affublés de cocardes et de signes ayant trait à cet événement. Seul l’un d’entre eux n’a pas ce type d’ornement distinctif à sa boutonnière : celui qui est placé au milieu du dernier rang.
Les ornements qu’arborent les conscrits sont le plus souvent constitués de cocardes (voir photo) et de plaques sur lesquelles sont inscrits, « bon pour le service », « bon pour les filles » et l’année de la classe, ici « classe 24 » (voir photo.)
Je profite de ce descriptif pour signaler qu’aucun des musiciens assis au premier rang ne possède ce type de signe distinctif. D’ailleurs, aucun d’entre eux ne fait partie de cette tranche d’âge. Pour mémoire, je précise que la conscription consistait à passer le conseil de révision afin de vérifier par une visite médicale si tous les jeunes gens en âge de faire leur service militaire étaient aptes à le subir.
Après avoir réalisé cette première lecture du document que j’ai sous les yeux, je vais, au regard des personnalités fixées par le photographe de Brassac-le-Mines qui de toute évidence doit s’appeler J. Bonnefoy puisqu’il a signé son ouvrage, tenté de dégager la femme et l’homme vers lesquels je suis le plus attiré dans cet ensemble humain, avec lequel je suis aujourd’hui séparé par quatre vingt sept années.
Concernant la jeune fille, je choisis celle qui est au troisième rang et située la plus à droite.
Concernant l’homme, c’est celui qui est assis au premier rang, le quatrième à partir de la droite qui tient un piston et dont la casquette est légèrement jetée en arrière qui fait l’objet de mon choix.
Pourquoi ces deux-là ? Pour répondre à cette question, je suis dans l’obligation de les considérer un à un et pour chacun d’eux, de formuler les raisons pour lesquelles je les ai écartés au profit des deux qui forment mon choix. Quant aux lauréats, je donnerai mes raisons à la suite de l’examen rapide que je vais opérer…
André Ricros