Sur la crête qui va jusqu’au Mont-Dore, il est une croix de métal qui trône imperturbable face aux déchaînements de la nature.
De sa pointe levée vers le ciel, elle reçoit la vision circulaire du paysage qui l’entoure et, en de rares occasions, le déchaînement d’une haine farouche, où tous les éclairs de la terre semblent s’être donnés rendez-vous pour la crucifier dans sa propre matière.
Ayant une véritable passion pour ce phénomène, Germain Gauthier lâche sa tâche quotidienne dès que l’orage gronde pour le rejoindre.
Armé de son courage, passant les cols à plat ventre pour pouvoir continuer sa progression, il se rapproche de cette fête insensée, où la nuit a laissé place au jour dans une colonne de lumière zigzagante et turbulente qui acère le ciel de ses convulsions stridentes. Le son est celui que l’on imagine des guerres interplanétaires alors que, suspendu plus bas dans la vallée, le feu a réchauffé l’air, diffusant une odeur de soupe qui doit être servie à tous ceux qui se sont déjà séchés.
A nouveau couché, effrayé par des éclats de roche qui volent alentour, Germain tente de se rapprocher davantage, pour surprendre l’éclair.
La croix disparaît, semble exploser, résiste, se tord de nouveau et ressort indemne, alors que des éclairs d’une rage folle se succèdent sans répit. Des énergies de titans se déversent en vain contre elle qui, dans son métal, résiste et résiste encore avec ses bras étendus jusqu’à l’abandon total.
Les éclairs la transforment en arbre de Noël alors que les tympans de Germain explosent et que ses yeux mélangent les étoiles.
Mais son envie grandit de prendre un éclair, de le tenir comme un serpent pris au piège, de s’accrocher à la croix, devenir métal et se battre avec elle contre ces avalanches de foudre qui rebondiraient sur sa poitrine, et tout en haut d’une montagne se mesurer enfin à l’orage et à Dieu.
Après avoir résisté jusqu’au dernier souffle, jusqu’au calme revenu il descend dans la vallée empli de cette flamme pour vivre près des hommes qui, sans attendre, sans s’inquiéter ont mangé toute la soupe et laissé le feu s’éteindre dans la nuit.