Sa voix s’accrochait à ses reins comme un filin,s’étirait et s’écartait comme le lancé d’un épervier.
Prise au piège de son expression changeante, placée sur le fil du texte, Marie-Jeanne nous embarquait inexorablement dans des récits d’une douce banalité. Elle mesurait ses effets, conduisait en maître assuré la pyramide d’images, l’arbre aux mille bougies, le temps de la chanson hors du tournoiement obligé de la pendule qui tintait régulièrement sans que personne ne l’entendît.
Seul son rire nous sortait de ses tessons brûlants pour la trouver prête à la question nouvelle.
C’est alors qu’elle semblait s’écrouler sur la table, la tête perdue dans les plis déformés de ses mains, et là, réfléchissant, on pouvait apercevoir les mots et les couplets remonter du liquide sombre d’un lac de volcan.
Une nef arrivait sans voile ni rame, un vaisseau fantôme qui s’éclairait, devenait familier, le lit où l’on allait se coucher.
Une nouvelle fois, son rire et l’écran de son visage devinrent paysage : sait-on si l’on a seulement entendu, si ce n’est le début du message ?
La chanson s’accrochait à ses reins comme un filin et elle nous avait pris dans le lancé de ses filets.
Nous la savions et pourtant la découvrions ensemble.
Nous la savions déjà et pourtant nous nous étions laissé prendre.