Bleu Caporal est un ouvrage où règne la justesse d’une vision du monde qui m’a plongé au cœur du pays de l’auteur; et cette justesse a fait couler en moi une parole, voir un langage, que je suis persuadé d’avoir compris, sans l’avoir préalablement appris.
Tout ici est taillé au plus près, jusqu’à l’os, pour plonger le lecteur dans le sentiment paradoxal d’avoir une vision globale de tous ces paysages.
Taillé à la main, sans rien laisser d’inutile, de futile, tout est là, fait d’un seul geste, sûr et solide, comme l’on marche sur l’eau, vite, pour ne pas se mouiller.
L’auteur touche au cœur, car il est posé sur l’artère disant définitivement adieu à la veine superficielle.
Il coule du sang dans les mots et de l’eau de l’Allier les recouvre. Il coule du sang sur le bocage mais une pellicule de vert le cache.
Manu Paris nous raconte et nous résume à bout d’encre ce pays que nous aimons désormais sans le connaître. Tout en lui est rassemblé et dans cette écriture il éclaire le chemin qui nous conduit jusqu’aux lieux qui le hantent.
Il est dedans, les mains enfouies dans le ventre de sa Terre, dans son ventre initial, avec le sexe de cette Terre sur sa bouche.
De page en page apparaît son regard, celui d’un auteur à hauteur d’un Eugène Guillevic ou d’un Jean Follain, un regard qui sait qu’il a vaincu l’espace qu’il occupe, pour avoir accepté de s’y perdre.
Le 28.01.2017
André Ricros
Le livre de Manu Paris m’a offert ses pages comme une pile de cadeaux empaquetés au pied d’un sapin de Noël. Chaque poème est une offrande d’écriture, traversé par une générosité brûlante : le lexique y est fourni, la prose charnue, les images florissantes. Très loin des régionalistes plaquant leurs vers sur le récit descriptif du « pays » vu d’un surplomb distant, Manu fait corps avec ce qui l’environne : les prairies, les gestes, les animaux, la rivière, la partance. Il y a quelque chose des grandes odes maritimes qui jaillit à petits jets entre les lignes. Manu est à la fois l’ami de la pirogue des grands voyages et celui des arbres profondément, tendrement enracinés dans les terres du Centre de la France avec le bois desquels l’homme fabrique sa barque. Il est à la fois le chantre d’un terroir revisité par l’émotion de l’instant présent, et d’un monde de mythes et de fantasmes qui prolonge les regards, les sourires, les mains tendues et les pas. Miroir d’un fort intérieur chargé d’émotions, son style semble suivre les mélismes cornemusiens de sa pensée, de sorte qu’une forme d’écriture de l’inconscient, du flux, vient rénover avec grâce le genre en question. Résolument ancré dans un présent passionné, vif bien qu’en proie à une certaine fragilité, le regard de Manu sur les choses qui l’entourent couronne la lecture du recueil. Il y a dans cette mise à nu le dévoilement d’une abondance qui parfois sait se taire, pour mieux resurgir sur le papier. Une générosité.
« La beauté est le nom que l’on donne aux choses pour les remercier du plaisir qu’elles nous donnent ». Fernando Pessoa
Le 30.01.2017
Romain « Wilton » Maurel