Depuis une vingtaine d’années, plusieurs associations de l’agglomération Moulinoise réunissent leurs compétences pour organiser l’annuelle Nuit des Musiques Trad en Bourbonnais : le Centre Départemental des musiques et Danses de l’Allier, la Jimbr’tée, l’Association pour la Vie Culturelle d’Avermes et le service culturel d’Avermes.
Au cœur de la programmation de la salle Islea, cette fête -dont le maitre mot semble être la convivialité- attire un public essentiellement local, agrémenté de quelques fidèles venant de plus loin, rejoints chaque année par des curieux d’horizons divers. La programmation axée autour des ponts à bâtir entre les différentes générations d’acteurs des musiques traditionnelles rassemble de plus en plus. Un succès, selon JF « Maxou » Heintzen, président du CDMDT03, co-organisateur de la soirée et « Monsieur Loyal » en la circonstance, qui serait du « au confort du lieu, à la programmation de qualité et à une histoire qui dure depuis près de quinze ans avec le CDMDT03, et qui influe sur la pérennité de cette soirée… »
L’occasion pour les musiciens et les danseurs du département de se réunir pour partager des instants de bal fédérateurs ; mais aussi l’occasion pour les mélomanes venus d’autres mondes musicaux de découvrir ou redécouvrir la mine d’or que ces répertoires représentent.
« Petit à petit, les danseurs consentent à assister au concert, avant le bal. Pour les convaincre, nous faisons payer plus cher l’entrée du bal seul. C’est un des rares exemples où l’intérêt financier rejoint l’intérêt artistique ! » nous confie Maxou.
MARGUERITE GAUTHIER-VILLARS : Une expo, une conférence, un spectacle
Catherine Paris, une habituée de cet évènement, tour à tour spectatrice ou artiste, fait partie de l’équipe qui présentera ce samedi soir une création inédite intitulée « Belle Marguerite » :
« Comme toujours pour la Nuit des Musiques Traditionnelles, il est question de réunir deux générations. Cécile Bach, Emmanuel Monnet et moi-même avons donc été réunis autour de chanteurs et musiciens confirmés : Frédéric et Eveline Paris, Evelyne Girardon et Sylvie Berger. La demande de départ était de présenter du répertoire issu de la collecte de Marguerite Gauthier-Villars, et notamment certains inédits, puisque venant du fonds manuscrit ».
Dis, Maxou, Marguerite Gauthier-Villars, c’est qui ?
« Je la présenterai en grand détail lors de ma conférence du 19 Octobre : elle a collecté en Bourbonnais environ 250 à 300 thèmes traditionnels, durant l’entre-deux-guerres. C’était une fine ethnomusicologue, qui a œuvré aussi en Dauphiné. Ses notations sont d’une grande précision, et nous laissent entrevoir beaucoup de nuances mélodiques dans les interprétations des chanteurs : elle est l’une des rares à indiquer les degrés mobiles dans les échelles employées. Une des raisons qui ont fait qu’elle est quasiment inconnue en Bourbonnais aujourd’hui est que les arrangements des thèmes collectés, réalisés par elle au milieu des années 1930, ont considérablement vieilli. Ils portent la marque d’une musique française de l’époque, un peu oubliée désormais.
C’est le revivalisme engagé dans les années 1980 qui a tiré Marguerite Gauthier-Villars de l’ombre où elle était, en particulier – on n’insistera jamais assez – grâce à l’entremise de Frédéric Paris. Il a le talent pour remettre en vie ces répertoires, en leur apportant le petit plus qui les rend aimables. Marguerite Gauthier-Villars disait que ses collectes couchées sur le papier étaient comme des papillons collés sur leur planchette : Frédéric leur donne des ailes neuves.
Il est important de raconter à tous cette histoire récente des musiques traditionnelles. »
Cet hommage à Marguerite Gauthier-Villars se déclinera en plusieurs volets :
– Une exposition retraçant sa vie et présentant certaines archives se tiendra à la Mairie d’Avermes du 14 au 19 Octobre
– Le 19 Octobre à 15h, JF « Maxou » Heintzen donnera une conférence à son sujet avec illustrations iconographiques et musicales, dans le cadre d’une séance de la Société d’Emulation du Bourbonnais.
– En fin d’après-midi, lors d’un apéritif musical, les élèves de la classe CHAM (Classe à Horaire Aménagé Musique) de Catherine Paris, institutrice dans le civil, interprèteront certaines chansons tirées de sa collecte.
– Enfin, à 21h aura lieu le concert « Belle Marguerite ».
La suite, vous la connaissez : un bal trad toujours cuisiné à la sauce « bourrée à deux temps » ; où nous verrons cette année le trio du Radical Strapontin, « qui représente le nec plus ultra de la tendance juvénilo-trad-déconno-à fond les manettes » selon MC Maxou, et l’incontournable orchestre Chavan de Vent De Galarne, qui fera le lien avec les collectages de Marguerite Gauthier-Villars à travers son répertoire de chansons de rivière à danser.
Si une question encore vous titille… Pourquoi cet hommage à la « Belle Marguerite » ?
Maxou y voit une importance fondamentale :
« Les répertoires populaires ont déserté les pratiques culturelles « de qualité » (quelle société de concerts classiques proposerait aujourd’hui de telles choses, hormis les « Chants d’Auvergne » de Canteloube ?), et les pratiques du petit peuple, rivé à sa télé ou à ses mp3. C’est à nous désormais de faire le lien. Mais il n’y a pas de honte à assumer ses rêves et ses fantasmes. C’est même plutôt sain, non ? »
Quant à Catherine, elle pense déjà à l’avenir :
« Je suis ravie d’être interprète de ce répertoire de chanson, cette forme qui passe les héritages justement, et qui continue de transmettre sur les thèmes éternels (l’amour, la mort, la trahison, …). Mais j’espère surtout laisser un peu de mon goût pour la chanson traditionnelle à mes élèves, qui à leur tour, chanteront les mélodies du répertoire Gauthier-Villars le 19 octobre, et peut-être même après, qui sait ? »