Les duos accordéons/violons de l’été 2014

Vous le savez, l’été est la saison la plus propice aux parutions discographiques.. ça pousse comme les fruits ! Mais l’hiver s’installant à nos portes, il est de bon ton de se réchauffer la bonne humeur avec les airs qui nous ont fait danser sous le soleil… ou la pluie… des festivals parcourus. Nous vous proposons donc un petit flashback sur l’été 2014, avec un coup de projecteur sur trois productions distribuées chez Auvergne Diffusion.

Au rayon foisonnant des musiques traditionnelles, il est des formules instrumentales puissantes et impérissables qui « collent à la peau » des pratiques de bal et de fêtes populaires. De l’Irlande au Québec, du Brésil à l’Italie en passant par les Balkans, le violon et l’accordéon ont toujours su se marier pour offrir les musiques les plus généreuses et les plus cadencées.

Dans le Massif Central, le violon et les accordéons (diatoniques et chromatiques) s’entendent depuis des siècles comme larrons en foire. En 2014, trois groupes nous proposent leur version des faits, nourries de rencontres fortes avec des territoires, des styles, des esthétiques, mais aussi toutes imprégnées d’un air du temps vivace et inventif. Le fond de l’air est frais, tout frais !

1. DUO ARTENSE : « Sur le Vif »  –production AEPEM

duoartensesurlevif
L’enregistrement live des deux acolytes Hervé Capel et Basile Brémaud avait déjà fait l’objet d’une interview de l’AMTA ici : https://amta.fr/2013/11/26/duo-artense-sur-le-vif/. On retrouve dans ce deuxième album l’énergie organique du duo qui se consacre une nouvelle fois aux inépuisables richesses du répertoire du plateau de l’Artense… Certains aspects de leur démarche sont encore plus aboutis : exploration de la modalité propre à cette musique si particulière, travail du swing, du groove, du mordant et du bourdonnant… Tout y est. En outre, le concept du « bal live » pressé sur galette offre la possibilité de s’immerger totalement dans les phénomènes continuels d’aller-retour de danseurs à musiciens et de musiciens à danseurs, de sorte que le courant électrique d’ambiance se mette automatiquement à circuler de notre mange-disque à nos oreilles…

2. L’EFFET DULOGIS : « Tout Droit » –Gonzo Productions

effetdulogisSi François Breugnot a bien souvent dégainé son archet sur les bourrées les plus inattendues (fusion jazz avec Aligot Éléments, accents latin’occitan dans La Fabrique, world-ragga dans Le Comité ou encore traversée de l’Irlande et de l’Arabo-cantalousie dans Voyage De Nuit…), on l’avait peu entendu jouer les avant-deux du Poitou, l’autre région du violon. François nous fait ici le récit d’une rencontre avec l’accordéoniste Benoît Guerbigny, au sein du duo officiellement créé en 2011.

« Notre relation remonte à nos 15 ans, dans les années 80, où nous apprenions chacun de notre côté à jouer de l’accordéon et du violon. Après 30 ans d’apprentissage et d’exercice du métier de musicien, un peu chacun de son côté, en suivant d’un coin de l’œil (et de l’oreille) ce que faisait l’autre, et en se croisant de temps à autre, nous voilà faisant le même chemin… »

Quelles étaient les envies de départ de ce duo ?

« L’envie de réunir deux univers de cultures voisines, et de faire sonner les parquets de danse avec nos cadences et nos interprétations. Nous partageons aussi un goût pour la musique des autres, de Serge Desaunay, de Gilles Chabenat, de Gregory Jolivet, de Jean-François Vrod par exemple, et de bien d’autres. Notre projet est de faire entendre notre actualité d’interprète des standards « régionaux » (Poitou, Auvergne) et des compositions qui alimentent la créativité du genre. Nous choisissons ainsi notre répertoire par rapport à la composition du set de bal (à géométrie variable selon le public, la région etc), et ensuite par rapport à ce qui va faire prendre le son du duo, comme la pectine des fruits dans la confiture… : les possibilités de phrasés efficaces pour la danse sur les deux instruments, d’harmonisation tonale ou de jeu plutôt modal, de liberté de variations mélodiques… »

Que dire sur le disque « Tout Droit » ? 

« Ce disque reflète notre engagement sur les répertoire auvergnat, poitevin, et du bal traditionnel actuel. Nous avons attaché de l’attention au rapport étroit entre les formes, leur interprétation et leur destination première : le bal. Préparer un enregistrement, c’est aussi éclaircir la mise en valeur des thèmes, valider des arrangements, et faire partager à l’auditeur le plaisir de jouer ensemble. »

3. GARGAMAS –production AEPEM

gargamasGilles de Becqdelièvre et Antonin Duval, les deux musiciens de Gargamas, font leur entrée chez Auvergne Diffusion avec un album percutant, sensible et intense, tout entièrement dédié aux musiques de l’Ouest du Massif Central. D’emblée, la découverte d’un répertoire injustement méconnu s’engouffre dans  les esgourdes en même temps que les richesses rythmiques, le son de la langue magnifié, la palette de couleurs modales… Bref, une série d’excellentes surprises portés par deux fondus de musiques traditionnelles dont le séjour prolongé au CNR de Limoges a porté bien des fruits, au caractère trempé, à la chair savoureuse et aux parfums généreux. De quoi s’assurer d’un renouveau salvateur et vivifiant pour les musiques du Massif. Gilles et Antonin nous en disent un peu plus sur les envies qui les ont poussés à enregistrer cet album :

« Le duo est né lors de nos études de musiques traditionnelles à Limoges en 2012. Nous avons commencé par un bal, puis deux, puis… Le répertoire est celui des musiques traditionnelles du Périgord et du Limousin, avec notamment des sautières qui étaient trop peu souvent jouées. Gargamas, que l’on nomme Gargantua ailleurs, était un géant qui pissait dans la Dordogne, provoquant des raz-de-marée effroyables en aval de la rivière. Cette histoire contée par Daniel L’Homond nous a inspiré notre nom. 

Les musiques que nous jouons sont tantôt issues de collectages réalisés en Périgord par Thierry Boisvert, tantôt extraites du recueil «  Casse et Chaminade » (Chansons Patoises du Périgord, 1903), tantôt issues de la tradition orale en Limousin (ouest Corrèze en particulier, avec les collectages de Françoise Etay, Jan Dau Melhau et Olivier Durif).  Une attention particulière est portée sur la cohérence géographique de notre répertoire : celui du pays de la sautière, c’est à dire la partie est du Périgord et la partie ouest de la Corrèze.

Le répertoire à danser en Périgord n’est pas très étendu, faute de collecte, mais les chants libres sont nombreux. Nous essayons d’en jouer en bal, par exemple en introduction d’un morceau, ou en les jouant à un tempo dansable pour devenir une marche, une polka, un branle… Nous jouons ces thèmes car ils sont pour nous parmi les plus beaux de ce répertoire. Nous les jouons différemment en concert, à un tempo souvent plus lent pour profiter de toute l’atmosphère de ces mélodies. « 

Quant au CD, quels ont été les enjeux qui ont guidé votre travail ?

« L’enjeu principal était de réaliser un disque de répertoire qui soit aussi un travail de groupe, de recherche sonore, avec nos influences respectives : le jeu de violon typique des violoneux corréziens, les chanteurs du Sarladais, les joueurs d’accordéon diatonique ou chromatique, … et des musiques actuelles, car nous nous nourrissons toujours de ce qu’on écoute aujourd’hui. Un parti pris était de ne pas faire figurer sur ce disque de compositions, restant dans l’aspect patrimonial. Notre part d’imaginaire et d’influences actuelles se trouve dans les arrangements, les enchaînements de thèmes et d’ambiances, et certainement dans notre manière de jouer qui ne peut être exactement celle des anciens. »

Qu’en pensent-ils ?

classe32d

Pour vous convaincre, si l’en était encore besoin, d’écouter et de vos procurer ces trois albums, nous avons demandé à chaque groupe de nous donner leur point de vue sur le duo violon – accordéon. Qu’est-ce que cette association de timbres, cette longue histoire qui se répète, représente pour eux ? Tous les trois se sont prêtés au jeu ! François Breugnot, grand connaisseur des musiques du monde en général, a l’habitude de jouer avec des accordéonistes (Cyril Roche, Benoît Guerbigny, Fiona Black, Filippo Gambetta, Pierre Mussi, Fabrice Planchat…). Pour lui, « c‘est très certainement le couple d’instruments le plus efficace dans le domaine des musiques de danses traditionnelles européennes :  par sa plasticité sonore, ses possibilités techniques… C’est aussi un regard sur un grand ensemble humain et culturel… ».

Gilles de Becqdelièvre et Antonin Duval qui ont beaucoup travaillé sur les musiques périgourdines, soulignent, malgré l’absence d’enregistrements dans lesquels on retrouverait ces deux instruments, la forte probabilité qu’il ait existé à cet endroit comme ailleurs : « Le duo accordéon / violon traverse toutes les cultures traditionnelles en France.  Il existe quelques collectes où un violoneux joue spontanément avec un accordéoniste, ce qui nous fait dire que ce duo était fréquent depuis le début du siècle. Néanmoins, un authentique violoneux, Mr Tellier de la région de Belvès (collecté par Thierry Boisvert) nous a permis de jouer quelques morceaux de violoneux périgourdin, dont toute une partie était jouée en position de sol, et donc jouable directement à l’accordéon diatonique sol/do, sans transposition. Il y a donc des lieux communs entre musique de violoneux et musiques d’accordéon. »

Mais évidemment, lorsque l’on parle de musiques traditionnelles, surgit l’éternelle question d’une opposition entre musique modale, voire non-tempérée, largement pratiquée par les chanteurs et les violoneux, et musique tonale inspirée par les possibilités harmoniques des accordéons. Comment les musiciens s’y prennent-ils alors ?

Duo Artense : « On pourrait dire que la combinaison violon/accordéon est très complémentaire (mélodie/harmonie), que cela apporte une dimension supplémentaire à la musique de violon…mais en fait cette dimension de l’harmonie représente aussi un sacré handicap en ce qui concerne la nature modale de la musique des violoneux. Du coup, l’enjeu du duo se joue plutôt  au niveau de la négociation, du compromis… juste dans l’instant, sans se soucier de considérations théoriques. C’est cette dimension là qui nous passionne dans le duo: développer une écoute et une compréhension fine du discours musical de l’autre, de manière à être en mesure d’abonder dans son sens, ou bien d’amener des propositions contradictoires, selon qu’on veuille jouer sur la tension ou bien sur la détente. »

Gargamas : « De notre point de vue, le caractère modal et non tempéré des musiques de violoneux (une septième ni majeure, ni mineure) peut être soutenu par le jeu de l’accordéon :  Il faut d’abord accepter que « ça frotte » un peu et ensuite de jouer avec ces notes mobiles. »

Nous l’avons bien compris, un duo, c’est une histoire de complicité, d’échanges permanents entre deux musiciens, dans l’instant de l’air joué, quelques soient les opportunités ou les obstacles qu’engendre l’instrumentarium.

Comme nous le dit Basile Brémaud, « c’est surtout une question de rencontre de personnalités, d’un goût partagé pour une certaine musique, et d’une conception commune de la cadence, du jeu pour, et avec la danse ».

Trois disques pour redécouvrir la musique des violons et accordéons du Massif Central en 2014/2015, et pour décorer le pied de vos sapins de Noël : Gargamas, L’Effet Dulogis et Duo Artense.

Disponibles à AUVERGNE DIFFUSION.

Leurs sites web :

– http://gargamas.wix.com/duogargamas
– http://www.tommefraicheproductions.com/tommefraicheproductions.com/Leffet_Dulogis.html
– http://duoartense.pagesperso-orange.fr/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.