Cette mazurka est interprétée par Léon Mazière, violoneux de Terret (Blesle, 43), enregistré par Emmanuel Lazinier, Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly, en août 1973.
Léon Mazière était un violoneux très prolixe, et particulièrement attaché à la cadence et à l’efficacité de ses morceaux. Il avait deux particularités, l’une véritable et l’autre légendaire. La véritable, c’est nous qui l’affirmons : pour chacun de ses morceaux, ou presque, Léon Mazière avait des paroles et connaissait une version chantée, parfois très différente de l’instrumentale. La légendaire, c’est le violoneux lui-même qui l’évoque : il aurait fait danser un chien !
En effet, la cadence est particulièrement soutenue dans l’interprétation de cette mazurka. La partition nous donne quelques indications intéressantes :
L’alternance de notes accentuées piquées et de notes liées entretient considérablement la cadence. Le musicien varie la qualité de ces articulations en liant, piquant, accentuant plus ou moins.
Un phénomène particulier à la mazurka apparaît ici de façon régulière : à l’écoute, le premier temps semble accentué : UN deux trois, etc… Mais tous les ornements, ainsi que certains accents, sont mis sur le deuxième temps : un DEUX trois. Tout se passe comme si on avait deux formes d’accentuation différentes : une accentuation régulière jouant le rôle de moteur rythmique avec des appuis sur le premier temps, variés de temps en temps en ce qui concerne leur qualité, et une accentuation « accidentelle » ou plutôt occasionnelle sur le second temps, avec des ornements et des accents plus marqués que les précédents.
Mais ce n’est pas tout : la première partie (A) est jouée de façon ternaire, c’est à dire avec une division du temps en trois, alors que la seconde (B) est jouée binaire, avec une division du temps en deux. Mais le passage de l’un à l’autre se fait très naturellement, sans contraste, sans le dire.
Léon Mazière met en jeu d’autres éléments qui complètent tout ce qui est évoqué précédemment : il joue dans l’aigu, ce qui donne de la force à ce morceau et l’oblige à démancher. Les glissés, particulièrement marqués, rajoutent de la souplesse parmi les découpes rythmiques de l’archet. Il joue sur les deux cordes aigues du violon, (mi et la). Lorsque le « mi » est joué à vide, il en profite pour faire sonner en même temps la corde à vide de « la ». Ce jeu en double-cordes a un rôle rythmique et sonore important, ajoutant à la fois de l’épaisseur et de la relance.
Enfin, le tempérament est particulier : la quarte (ici, « sol ») est haute, et semble gagner en hauteur au fur et à mesure du morceau, en tirant vers le sol#. Combinez tout ça et vous jouerez à la façon de Léon Mazière… Mais comment fait-on quand on a pas de violon ? La même chose ! Les éléments musicaux restent les mêmes d’un instruments à l’autre, c’est (presque) juste la technique qui change.
Une dernière chose : ce morceau, il ne le chantait pas, c’est du pur instrumental (à moins que vous ayez l’idée d’y mettre quelques paroles).
En espérant que cette belle mazurka glisse aussi sous vos doigts !
Eric Desgrugillers
Pour aller plus loin :
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