Le vendredi 8 février dernier nous étions nombreux à »grapiner » vers Araules, sur la route enneigée, pour assister aux obsèques de Joseph Darne: je garde de lui un souvenir particulièrement ému.
La Ribeyre, ce huit mars 2013,
Jojo…
prendre le téléphone et m’enquérir auprès des uns et des autres de l’époque vraisemblable à laquelle nous nous sommes rencontrés ? Quelques secondes ont suffi à m’en dissuader et il me faudra faire avec cette matière que nous avons si souvent traquée ensemble: des lambeaux de mémoire. Je remarque aussi que ton sourire _ je l’entrevois, qui se dessine_ l’a emporté: il me confirme à l’instant, que là n’est pas l’essentiel.
Quelque chose, en tout cas, a dû se préciser du côté de la Rochelambert, dans les années 80… à moins que ce ne soit Glavenas… ou les deux ! J’ai le souvenir de ce gars _ ne rougis pas, Jojo_ qui avait sa bonhomie pour carte de visite mais aussi cette élégance rare de celui qui est toujours prêt sans rechigner. Je revois un peu mieux les choses à présent.
La grande famille du trad’ vibrionnait alors, échafaudant mille projets, improvisant concerts et autres bals, arpentant le terrain du collectage… Bref ! Le passé avait un bel avenir pour peu qu’on les conjugue, mais cela demandait un investissement tous azimuts, des compétences les plus diverses qui soient, beaucoup d’obstination, de l’entregent et une inlassable disponibilité, à commencer pour les tâches les plus ingrates et les plus obscures…En moins de temps qu’il n’en faut pour dérouler une rallonge ou »caler » un magnéto, tu avais su te couler dans ce moule improbable, Jojo, devenant rapidement le copain indispensable puis l’ami plus intime encore au sein du groupe
Ratapenada. La pratique du collectage, il est vrai, avait scellé entre nous des liens de franche camaraderie.
Car il n’est pas donné à tout un chacun de connaître l’exaltation que l’on peut ressentir en s’adonnant au collectage, comme nous avons été plusieurs à le faire avec toi, Jojo, deux années durant. C’est justement en pareille occasion que nous avons éprouvé, mainte et mainte fois, quelque chose que je me risque maintenant à décrire, sinon à définir. Ton savoir-faire pratique, tout d’abord, nous facilitait amplement la tâche et les cassettes audio, alors utilisées, n’avaient pas de secrets pour toi dans leur maniement parfois délicat, pas plus que l’utilisation la plus efficace d’un micro. Remplir de telles fonctions de »technicien » sans avoir l’air d’y toucher…du grand art ! Mais un autre trait de ta personnalité, me semble-t-il, était tout aussi déterminant. Je veux parler de cette capacité, si évidente en apparence, à »emboîter » les relations, les individus, les générations… et les espaces.
Quoi de plus naturel, n’est-ce pas, que d’enregistrer ce couple paisible de retraités après avoir évoqué le parcours de tes parents ou ta propre expérience professionnelle, faisant écho à celle de l’un des enfants de la maison ? Quelques expressions bien senties dans un patois suffisamment dosé et la confiance de nos hôtes nous était acquise. Une démarche si bien rodée que le carnet d’adresses s’étoffait en même temps que le cercle des nouveaux amis : des pépés et des mémés, bien sûr, qui vivotaient encore dans la ferme familiale, mais aussi plusieurs curés, des artisans, un instituteur, un poète, un ancien mineur, une institutrice, un ancien forgeron, un «effaraclé»…Dis, Jojo, tu te souviens de l’effaraclé ? Collecteur : un métier pas facile !
Ces cassettes du canton, selon le titre de la collection, ont été de très riches heures, Jojo, mais j’en retiens grâce à toi les aspects les plus humbles comme lorsque nous rentrions à Araules, accueillis par le sourire de tes parents. Déjà ta mère s’activait pour le repas du soir tandis que nous réécoutions à chaud la petite merveille du jour…
Le petit monde de la musique, de la chanson et de la danse traditionnelle te doit énormément, Jojo, puisque tu lui as toujours donné le meilleur de toi-même !
L’autre vendredi, Jojo, sur la route enneigée comme aux beaux jours de nos incessants périples, j’ai compris dans le jour qui s’estompait que toutes ces ritournelles jouées, chantées et dansées, vibreront à jamais de l’écho magnifique de ton amitié. Merci, Jojo.
Claude Rocher
Nous l’avions rencontré, Elodie et moi, il y a 1 an… c’était avec joie que Jojo avait fait appel à ses souvenirs : « Mon grand-père a fabriqué 2 violons, un alto et un qu’il n’a jamais terminé, je les ai encore ! Quant à mon père, il était musicien routinier, chantait et jouait de l’accordéon diatonique. »
C’est certainement ce qui lui a donné le goût pour la musique, le chant et les danses traditionnels.
Quand il revient de Paris pour vivre à Araules, son village d’origine, Jojo intègre un groupe folklorique, puis se met à la cabrette.
Il côtoie aussi les « Ratapenada », un groupe très actif dans le milieu trad à cette époque (années 1980), il devient même leur technicien son et lumière avant de faire partie intégrante du groupe en tant que chanteur.
Il faut dire que le chant l’intéressait beaucoup puisqu’il a participé aux collectages qui ont permis la production des 2 « cassettes du canton d’Yssingeaux » (collection de l’AMTA). Pendant 2 mois en 1987/1988, avec ses collègues Claude Rocher, Michel Paulet et Jean-Louis Deygas, ils ont parcouru le canton pour recueillir chants, histoires et témoignages.
Aujourd’hui il vient de nous quitter laissant sa trace dans notre univers des musiques traditionnelles.
Marie-Eve et toute l’équipe du CDMDT 43
J’ai bien connu Jojo Darne, type simple et souriant, et la bande des collecteurs qui venaient s’éclaircir la voix aux Pradeaux (St hostien)- il y avait aussi Serge Bernard. Ratapenada s’était produit au Roi de l’oiseau: on les voit sur une vidéo en ligne.Merci à ces précieux gardiens de la mémoire.
Amitiés aussi à Claude Rocher qu’on aimerait voir plus souvent.
gérard adier
Tres beaux hommage MR ROCHER….A bientôt JOJO….
Christian FRAPPA