« L’ourtalou pacho, lou tem bo combia »
Il est vrai que lorsque l’ourtalou passait, le temps allait changer. Mais il est également vrai que cet homme qui sillonnait le canton de Montsalvy, une des poches perdues du département du Cantal, avait réussi sa vie durant, à éviter la moindre goutte de pluie, sa principale ennemie.
Chantant devant les maisons qu’il avait avec le temps repérées pour être généreuses, il égrenait des fragments de cantiques où se mêlaient français, latin, patois et création spontanée devant louer Dieu et recueillir les pièces de laiton ou de bronze, seule monnaie présumée en or qu’il acceptait.
Recouvert d’une poussière ancestrale, il allait pieds nus dans ses charentaises, un baluchon sur son épaule gauche et un sac au bout de sa main droite. Il allait, traçant des signes incompréhensibles qu’il adressait aux étoiles et qu’elles pourraient lire dans des milliers d’années. Devenu transparent sur la terre, sa famille l’oublia et son existence ne se manifesta plus que dans les rêves des enfants. Les « accros » du potager, quant à eux, hésitaient à planter leurs salades avant qu’il ne passe : l’ourtalou passé, la pluie allait tomber.
Face à l’âge, on tenta quelques sédentarisations de ce vagabond de la sécheresse qui, toutes, se soldèrent par les fugues du septuagénaire.
Trouvé malade dans le fond d’un fossé, il fut transporté à l’hôpital d’Aurillac où quelques proches se rendirent.
Après les avoir fait attendre, un acteur du corps médical leur interpréta la scène de sa dernière disparition. Ils furent par ailleurs surpris d’apprendre que le scénariste n’avait à aucun moment prévu d’aborder un texte aussi court, car l’ourtalou ne présentait pas la moindre affection méritant un traitement particulier. L’homme de la science fut bien plus déconcerté encore quand il dut répondre à la question :
– Vous l’avez lavé ?
– Bien sur, nous n’avons pas eu le choix, nous sommes dans un hôpital…
– Tout s’explique… vous l’avez tué.
Emporté par un trop d’humidité, il partit user ses charentaises sur d’autres routes laissant pour testament des bouts de papier protégés par un sac en plastique.
Après un difficile décryptage, on découvrit l’emplacement de trois cachettes, où plus de trois tonnes de pièces de cinq, dix et vingt centimes avaient été ensevelies.
Trésor gagné à écrire devant la pluie.