Odette Gatignol joue ce très beau morceau, qu’elle tient de son grand-père. Le son a été pris par Eric Cousteix le 19 décembre 1986 à La Tour d’Auvergne.
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A la première écoute, on est happé par le son, très lié et rond de la violoneuse, dû en grande partie à sa justesse et au très léger vibrato qui l’accompagne. Les notes semblent étirées légèrement. A vrai dire, elle joue tous les morceaux de son répertoire de cette façon. C’est son style. Sauf que si l’on tend bien l’oreille et qu’on se concentre sur le rythme, on entend tout autre chose. Jetons un coup d’oeil à la partition pour un peu plus de clarté :
La partition a été écrite en do (par commodité de lecture et de réinterprétation) mais Madame Gatignol joue en ré (l’accord de son violon donne un ré bémol très bas).
Contrairement au ressenti, le tempo est très élevé (environ 175 à la noire). On peut lire deux noires liées aux endroits où on s’attend à trouver une blanche. Ce n’est pas une erreur. La violoneuse utilise l’archet comme un ressort : il semble rebondir tout le temps, de façon très fine, sur chaque note tenue qui est à la fois rythmique (soumise à ce petit rebond) et allongée. Ainsi, tous les temps sont marqués, mais avec beaucoup de doigté et d’intelligence : ça danse, l’air de pas y toucher. Les montées sur les croches, à la fois piquées et arrondies, sont très toniques, à la limite de l’accélération. C’est une façon très efficace de soutenir le pas du danseur.
L’effet de ressort se décline à tous les niveau et est également utilisé dans le traitement du phrasé : on comprime sur les croches, on relâche sur les notes tenues. Le contraste restant infime mais présent.
La respiration (compression, dépression) est partout, dans la phrase, dans les motifs, dans les notes. On la retrouve en particulier dans le traitement rythmique contrasté des deux parties mélodiques : la première est tonique et découpée finement en croches, la seconde est liée et toute en noires.
Voilà certainement d’où vient la rondeur et l’ampleur de son jeu, même quand le rythme est soutenu. Ainsi, Odette Gatignol joue comme elle respire : simplement. La respiration est essentielle à la vie, mais aussi à la musique. Tâchons de nous en souvenir…
Eric Desgrugillers
Pour aller plus loin :
consultez l’enquête menée auprès d’Odette Gatignol : là
un autre morceau expliqué d’Odette Gatignol : ici
Bonjour, merci pour cette transcription et pour les commentaires très intéressants qui vont avec. Cependant, je ne parviens pas à écouter le morceau enregistré. Pourriez-vous le mettre en téléchargement ?
Merci par avance !
Benjamin
Bonjour,il y avait effectivement un petit soucis technique qui est à présent corrigé.
Cordialement
Cette mazurka est une des oeuvres les plus populaires de Louis Ganne, « La Czarine ». Elle fût publiée en 1893. On en trouve de nombreuses interprétations depuis les harmonies jusqu’aux boîtes à musique en passant par les orchestres de bal ou de casinos et stations thermales.
Merci pour la source,
On y reconnaitra aussi la « mazurka de Trapenard » jouée par Joseph Perrier.