Il y a dans la musique trad des mythes tellement sacrés qu’on en parle généralement avec un respect profond, une quasi piété qui réconforte les croyants, mais qui laisse de marbre les mécréants. Le cabretaïre Bouscatel est l’un de ces mythes, et moi qui vous parle j’étais jusqu’alors parfaitement réfractaire à sa légende, entretenue oralement par certains copains mordus de la musette, mais que l’écoute des quelques enregistrements existants n’avait pas consolidée, loin de là.
Jusqu’alors, mais alors…Ricros est arrivé. Et son profond respect à lui ne s’exprime pas à travers un discours convenu à la gloire de son maître, mais à travers un roman d’une force incroyable, où il ose dire « je » à sa place, où on se retrouve illico dans la peau de ce jeune berger vibrant de musique et armé d’une force de travail et d’une ambition phénoménales. Il pourrait s’appeler Ray Charles ou Charlie Parker, l’instrument n’y change rien, nous sommes dans la musique populaire la plus vivace, celle qui ouvre ses portes à l’imagination. Tout est affaire de curiosité, de fierté, de relations entre musiciens, d’expériences humaines plus ou moins catholiques, toutes sauvées par une recherche de la beauté que la prose de l’auteur rend absolument universelle. On se surprend à entendre précisément des musiques qui n’ont jamais été enregistrées, à comprendre des pensées qui datent d’un siècle, à se sentir familier de personnages aussi éloignés de nous que les aborigènes d’Australie.
Le livre (prestement) lu, j’ai écouté le cd qui l’accompagne. Miracle ! j’ai entendu toutes les différences de style, toutes les nuances dans les rapports au tempo, j’ai élu mon cabretaïre préféré (et ce n’est pas Bousca), et j’ai entrepris aussi sec de vous faire partager mon fier enthousiasme.
Alain Gibert.