Avant d’aller se coucher, les nuages s’étaient arrêtés au-dessus de nos têtes et au fur et à mesure que les suivants arrivaient, comme pour s’empiler les uns sur les autres, tout est devenu noir, à tel point que le soleil disparut deux heures avant sa chute derrière le bois échevelé de l’hiver.
Le lendemain matin, lorsque ma grand-mère vint pour nous réveiller, tout nous sembla pris dans un étau qui nous clouait au lit.
Elle s’approcha, se pencha sur nous et nous dit :
– Écoutez-moi donc cette épaisseur.
Et nous avons constaté que le silence avait changé depuis la veille et que tout semblait être dans du coton, dans un duvet où était étouffé, amorti et éloigné ce contact que nous avions l’habitude d’avoir avec la terre, avec le socle même de notre quotidien.
La neige était là, large, épaisse et étendue sur tout, effaçant nos traces et nos repères, une neige qui dès ce matin nous obligeait à tout réinventer jusqu’à la manière de parler et peut-être de penser… Oui, c’est cela, repenser le monde autrement, celui d’un immense désert blanc où tout était sous les apparences, dans la discrétion du regard, un monde encore plus secret et féminin dont on ne pouvait pas soulever le voile, du fait de l’infini de sa toile.
Nous avons écouté cette épaisseur et petit à petit, produit des sons et reconstitué l’espace pour doucement, avec une crainte partagée, s’adresser à cet univers pâle et presque transparent où il nous fallait continuer de vivre.
Noël nous avait adressé son compte à rebours et nous étions tous désormais informés et prêts à poursuivre le cours du temps jusqu’à cette nuit où tout allait se suspendre et où nous nous retrouverions sur les sentiers et les chemins de l’église, pour finir enfin devant l’émerveillement des cadeaux où, tout en sachant leur teneur : une orange, nous étions persuadés d’être les destinataires d’une partie du soleil qui nous donnait la certitude de l’amour et de l’importance que nous avions, nous autres, si petits et déjà dans les pas de tous ceux qui avaient écouté l’épaisseur de la neige avec leurs oreilles d’enfants.
Texte d’André Ricros
Mr Ricros, depuis Cassaniouze où je consulte votre site, je me demande : « à quand le conte de Noël 2, »
Bonjour,
Nous publierons les dimanches, jusqu’à Noël, une petite histoire d’hiver.
Cordialement,
L’AMTA